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samedi 11 octobre 2014

Parler aux inconnus

La plus terrible incarnation de Paris se trouve dans le métro : vétuste, puant, rempli de personnes indifférentes et impolies, et théâtre des populations que l'on prend soin d'enterrer : les immigrés, les poivrots, les mendiants, les voleurs, et j'en passe et des meilleurs. Tous ces gens qui font Paris se mêlent aux parisiens pressés, trop occupés à leurs propres vies pour lever le nez sur la vie des autres qu'ils ignorent, enjambent et bousculent sans scrupule. Les kilomètres de réseaux souterrains épuisent et assombrissent, et quiconque arrive d'ailleurs sera choqué de l'absence totale d'interactions humaines dans les bas-fonds grouillants de la Capitale de l'Amour.

Et pourtant. J'étais de passage à Paris, et j'avais encore cette indulgence propre à celle qui est trop étrangère pour être touchée par la morosité ambiante. Je gambadais dans la ville en faisant fi de la pluie, des travaux et des foules, parce que je ne travaillais pas, parce que j'avais le temps, et j'observais les gens en écrivant sur eux. Cette activité m'obligeait à lever les yeux parfois sur ces personnes que l'on croise sans vraiment les regarder.

Ce soir-là j'ai levé les yeux sur un jeune homme noir et ravissant, jogging et sac de sport, regard tendre et insistant, le genre de regard qui te fais rougir un peu. J'ai continué à écrire en cachant ma confusion mais bien sur, il m'avait vue. Nous sommes sorti au même arrêt, et il m'a tendu son bras
- vous m'accordez cette danse ?
La question n'avait aucun sens. Il n'y avait même pas l'un de ces musiciens qui animent parfois les couloirs. Il n'y avait rien que la foule qui se précipitait dans chacune des sorties, le vacarme, la chaleur, rien qui ne fasse danser.
- pourquoi? Lui ai-je demandé bêtement
- pourquoi pas? A répliqué l'étranger, la main toujours tendue vers moi pour m'inviter à danser.

Après tout c'est vrai, pourquoi ne pas danser avec un homme inconnu en jogging dans les couloirs assourdissants du métro parisien? J'ai posé mes sacs et mis ma main dans la sienne. Il s'est mis en position sans dire un mot, levant les yeux au ciel à la recherche d'une chanson pour danser. Il a choisi la chanson d'Aurore, il s'est mis à chanter : mon amour je t'ai vu au beau milieu d'un rêve et on a valsé comme ça devant les gens médusés qui attendaient le métro d'après.

Puis, abandonnant ses faux airs de princesse, il m'a portée, j'ai virevolté d'une épaule à l'autre, j'étais bébé dans Dirty Dancing, sauf que j'avais jamais dansé.

Voilà, la chanson était finie. Il a fait une révérence, et il est parti.


Avant de partir, mon Prince m'a tendu une carte de visite.
Et parce que je suis une Princesse moderne, je l'ai retrouvé sur Internet

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