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jeudi 2 octobre 2014

Politiquement incorrect

Au bout de quelques jours sur les routes du nord d’Israël avec lui, j'ai remarqué qu'il ne gueulait jamais sur personne au volant. Je lui ai demandé : "tu gueules jamais sur personne au volant ?" Et il m'a répondu : "pour quoi faire ?".

Je sais pas. Parce qu'ils avancent pas, parce qu'ils mettent pas le cligno, parce qu'ils traversent n'importe où, parce que ce feu est trop long. Il y a plein de bonnes raisons, j'ai dis. 
Il a demandé si en France on gueulait. "Bien sur qu'on gueule, on parle souvent tout seul dans la voiture, et on s'adresse aux gens par leur numéro de département". Il ne comprenait pas, j'ai donné un exemple concret "il va la bouger sa caisse, le 38 ?!".
Il comprenait toujours pas. 

Je lui ai expliqué patiemment qu'en France on avait des départements et que chaque département avait ses spécificités, ces dernières dépendant bien entendu de quel département on se place, par exemple pour un montpellierain (34) les nîmois (30) sont des cons, les parisiens (75) sont des cons, les marseillais (13) des abrutis, etc. 

Il m'a demandé pourquoi on ne s'aimait pas comme ça, après tout on était tous français, en Israël il n'a jamais vu ça. Je me suis dit qu'à Haïfa on avait beau être sur la côte méditerranéenne, on avait beau être dans le sud, ben on était quand même pas du même monde.

Cette histoire de plaque d'immatriculation, par exemple. Ça a l'air de rien comme ça pour vous, si vous avez toujours vécu en France. Vous ne savez pas à quel point les plus petits détails de votre quotidien peuvent vous manquer, quand vous êtes loin. Depuis que je suis rentrée au pays, je fais le plein de ces choses-là, les trucs que je voyais pas avant, les événements sans importance qui me font sentir chez moi.

Par exemple, cet été je suis allée à Marseille. Je me baladais dans le quartier du Vieux Panier avec des copains. Au moment de traverser, une voiture a failli nous écrapoutir en reculant sans regarder. Les filles ont tapé sur le coffre en criant : "Regarde ce que tu fais, CONNARD !!!", et le connard a répliqué comme il se doit, en gueulant des trucs épouvantables, fenêtre ouverte et toutes mains dehors.

Et qu'est ce que je me suis empressée de faire, d'après vous ? J'ai regardé sa plaque.
Un 30, bien entendu. L'occasion rêvée de prolonger ce moment de grâce vernaculaire en lui lançant : "Baisse d'un ton le nîmois, et apprend à conduire !", ce à quoi l'homme a rétorqué, hors-de-lui : "le nîmois, IL T'EMMERDE !!!".

Le choix des mots, la mise en scène, les références, tout était parfait. Il y avait cette lumière d'été, le mistral qui nous décoiffait, l'odeur des fruits de mer qui se mêlait à l'odeur des savons de Marseille étalés sur le port. Il y avait le nîmois, avec sa plaque 30 et sa conduite absurde, et il y avait les copains qui gueulaient. 

J'ai oublié un instant pourquoi j'étais partie.

Si tu lis ces propos et que tu es choqué, c'est sûrement que tu ne vis pas
 près de la Méditerranée. Gentil lecteur, sois rassuré : il n'y avait pas de haine
dans ces échanges,c'était juste du folklore, c'était juste du plaisir.
C'est juste que c'est comme ça qu'on fait. 

1 commentaire:

  1. Trop bon! Trop vrai! Décidément, il faut être français, non pas pour le comprendre, mais pour le vivre en instantané, avec ses tripes. Décidément, même avec le temps, ces satanés 30 ne se sont pas améliorés! :)

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