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mercredi 21 août 2013

Salamat Pagi

Deux ans presque jour pour jour après mon vol New York – Kuala Lumpur (3 septembre 2011), je traîne une nostalgie inédite envers l’Asie du sud-est.

Si je ne suis pas encore prête à parler du Vietnam avec tendresse, je réalise toutefois que les mauvais souvenirs ont disparu, afin de laisser la place à tous les autres… Le schéma classique, me direz-vous.

Ce matin au café, il y avait une famille de malaisiens. Je les ai reconnus tout de suite grâce à la façon dont la femme portait son foulard. J'ai foncé sur eux par ce que je les aimais déjà
- "Vous êtes malaisiens?"
-"Oui!"
-"Je le savais! Je vous aime! J'aime la Malaisie!!"
Alors quand j'ai appris cette semaine l'existence d'un restaurant malaisien très réputé à Vancouver, je n'ai pas hésité : comme au bon vieux temps, je suis partie seule m'installer au restaurant.

"Salamat Datang!" (bienvenue), annonce le menu.
Les larmes me sont montées aux yeux : "Salamat pagi!!!" (merci), lui ai-je répondu (a voix haute... Que personne ici ne me juge).

Inutile d'ouvrir la carte, je sais exactement ce que je veux : un nasi goreng- un riz frit. Tant pis si le menu regorge de curry, viandes en sauce et fruits de mer servi sur des feuilles de bananier. C'est canon, mais je veux ce que je mangeais là-bas tous les jours. Je veux… un plat authentique. J'interpelle la serveuse malaisienne (boudant mon serveur japonais qui m’avait, sans grande surprise, recommandé les fruits de mers) 
-"la Malaisie me manque tant... Que me conseillez-vous?" ai-je donc demandé à la charmante serveuse malaisienne
-"le nasi goreng. C'est le plus authentique".
Je fais un bon de joie : exactement ce que je voulais entendre, sans oser passer à l’acte (commander un riz frit dans un restaurant de ce type, c’est un peu comme commander des pâtes au gruyère chez les Frères Pourcel).

Ma commande est envoyée en cuisine. J'attends, derrière le paravent en bois. J'observe les serveurs en sarong, et les plats magnifiques qu'ils apportent à mes voisins. Mais voilà que déjà, mon nasi goreng arrive. Il n'a pas changé. Il est accompagné de sa cuillère à soupe, et je me jette sur lui comme on se jette au cou d'un vieil ami. 


Je mange mon plat en fermant les yeux, pour empêcher mes larmes de couler. Et aussi pour apprécier chaque bouchée... 
Comme on fait avec les enfants pour les aider a manger, je récite dans ma tête: 
Une bouchée pour Julien, que je devais rejoindre à Singapour et sans qui je ne serais jamais allée en Asie. 
Une bouchée pour Joni, ma copine malaisienne qui m'a emmenée dans un food court à Kuala Lumpur, ou j’ai dégusté mon tout premier nasi goreng au milieu des rats et des contre façons. "Chaque grain de riz est sacré, tu ne dois en gaspiller aucun" m’avait-elle grondée alors que je peinais a terminer mon assiette. 
Une bouchée pour Denis, mon compagnon de dortoir allemand, qui me prenait en photo en train de goûter à chaque truc inconnu et flippant au marché chinois.
Une bouchée pour Mathieu qui accompagnait chacun de mes pas là-bas.
Une bouchée pour Orsalia, l’hôtesse de l’air grecque en escale a Malacca, qui m’avait offert un lait de coco aux fèves et aux bonbons en gélatine pour fêter mes 25 ans.
Une bouchée pour Tony, le propriétaire de l'hôtel qui me cuisinait des petits dej américains en écoutant du vieux jazz.

De bouchée en bouchée, mon assiette se vide et mon cœur se rempli de tous ces instants partagés avec tous ces gens que je n’oublierai jamais. Probablement le riz le plus passionné de ma vie.

Joni, j'ai retenu la leçon - j'ai honore chaque grain de riz



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Banana Leaf
1043 Davie Street
Vancouver, BC

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